Les troubles alimentaires…sous le couvert du végétarisme?
Article par Marie-Josée Rainville, nutritionniste
Le végétarisme est à la mode par les temps qui courent. Que ce soit pour des raisons éthiques, environnementales ou de santé, plusieurs s’entendent pour dire que c’est un choix sensé. De mon côté, je suis toujours prudente lorsque quelqu’un m’annonce qu’il veut devenir végétarien. C’est une déformation professionnelle, car trop souvent, j’ai vu des troubles alimentaires se cacher sous le couvert du végétarisme. Parfois, il semblerait que ce soit une façon plus socialement acceptable de se restreindre, de refuser de manger la même chose que les autres, de bouder des groupes entiers d’aliments. Je pose des questions, j’essaie de comprendre, j’écoute attentivement pour entendre ce qui n’est pas dit. La gestion du poids figure-t-elle dans l’équation? Une peur intense de manger des « mauvais aliments » se cache-t-elle derrière les propos? Est-ce que la vie familiale ou sociale est hypothéquée par ce choix?
Je parle malheureusement d’expérience. À l’âge de 16 ans, mal dans ma peau, obsédée par mon poids, j’ai décidé de devenir végétarienne. Ce qui a passé pour une lubie d’adolescence cachait un trouble alimentaire assez sévère. Bien sûr, personne n’aurait pu me faire dire que je le faisais pour perdre du poids, pour être en mesure de refuser de manger ce qui était servi sans éveiller de soupçons. Je criais haut et fort que des raisons éthiques me poussaient à faire ce choix, mais au fond de moi, je savais que ce n’était pas le cas.
Une société obsédée par l’alimentation
Dans une société comme la nôtre, quel meilleur couvert existe-t-il pour camoufler un trouble alimentaire ?
Je peux aussi vous dire que dans ma pratique, j’ai rencontré plusieurs personnes pour qui le choix de devenir végétarien ou de « manger santé » cachait un malaise plus profond. Lorsque manger est source de détresse, à mon avis, ce n’est pas sain, peu importe ce que l’on ingurgite.
Lorsque l’on parle de troubles alimentaires, presque tout le monde a déjà entendu parlé de l’anorexie et de la boulimie, parfois même de l’hyperphagie boulimique. Saviez-vous qu’il existe d’autres types de troubles alimentaires moins connus? Je parle de l’orthorexie, de la bigorexie et des troubles alimentaires non-spécifiés. Bien que certaines de ces conditions ne soient pas encore reconnues par le DSM 5 (bible diagnostic des troubles de santé mentale), plusieurs experts s’entendent pour dire qu’elles existent bel et bien.
Certaines personnes présentent des troubles alimentaires qui ne satisfont qu’une partie des critères diagnostiques de l’anorexie, de la boulimie ou des autres troubles alimentaires. Comme on ne peut les classer dans une catégorie spécifique, on parle alors de troubles alimentaires non-spécifiés. Il importe de souligner que la souffrance et la détresse vécues par ces personnes sont tout aussi intenses que chez les personnes souffrant de troubles alimentaires spécifiques.
La personne orthorexique est obsédée par la saine alimentation et évite les aliments qu’elle juge « mauvais » pour sa santé. La planification, l’achat et la préparation des repas deviennent alors très compliqués et peuvent prendre une place démesurée dans sa vie. La bigorexie touche normalement les hommes sportifs. Ces derniers vivent un désir intense de sculpter leur corps et de modifier leur apparence grâce au sport et à l’alimentation. Une distorsion de l’image corporelle est aussi présente.
Attention, je ne dis pas que tous les végétariens ou que tous ceux qui mangent santé souffrent de troubles alimentaires. Plusieurs font ces choix pour de bonnes raisons, et il est possible d’être à la fois végétarien et d’avoir une saine relation avec la nourriture. Comment savoir si le désir de se convertir au végétarisme ou de manger santé ne cache pas quelque chose de plus complexe? Il existe plusieurs outils de dépistage des troubles alimentaires. En tant que nutritionniste expérimentée en troubles alimentaires, je peux vous aider à y voir plus clair !