L’acide ascorbique: piètre imitation de la vitamine C?
Vous rappelez vous de l’époque où vos parents vous donnaient votre vitamine C le matin avant de partir pour l’école? Linus Pauling était à la mode, et il a influencé toute une génération! Ce petit bonbon croquable semblait nous protéger de bien des afflictions.
De nos jours, nous savons que l’acide ascorbique est plutôt un imposteur, utilisé par l’industrie agro-alimentaire surtout pour empêcher que les aliments noircissent, mais pas nécessairement pour notre santé. Car la vitamine C provenant de sources alimentaires est celle qui possède les propriétés antioxidantes et détoxifiantes qui rendent cette vitamine si utile dans la prévention de problèmes de santé.
Comment l’acide ascorbique est-elle synthétisée?
L’acide ascorbique est synthétisée en laboratoire à partir d’un amidon, le D-gulose. Plusieurs étapes sont nécessaires. (source : Wikipedia)
- Hydrogénation du glucose en D-sorbitol;
- Oxydation par fermentation microbienne du D-sorbitol en L-sorbose ;
- Ajout d’acétone et d’acide sulfurique;
- Oxydation avec du permanganate de potassium en solution alcaline ;
- Formation d’une γ-lactone par chauffage dans l’eau ou par estérification et traitement au méthoxyde de sodium dans du méthanol suivie d’une acidification par l’acide chlorhydrique.
De l’amidon modifié avec l’ajout d’acide sulfurique et d’acide chloridrique…pas étonnant qu’on est loin de la vitamine C naturellement présente dans les aliments en ce qui a trait aux propriétés!
Rôle de la vitamine C
La vitamine C ramasse sur son passage les toxines, les radicaux libres et également les substances carcinogènes auxquelles nous sont exposées quotidiennement.
Par exemple, la vitamine C est la vitamine par excellence, avec la vitamine D, pour prévenir les cataractes et le glaucome. Elle est présente dans les globules blancs, l’hypophyse, les glandes surrénales et le cerveau, mais en très grande concentration dans le cristallin de l’oeil. C’est en partie pour nous protéger des dommages des rayons UV. Cette concentration diminue avec l’âge, laissant place au développement de ces afflictions oculaires.
Mais il n’y a pas que pour les yeux que les antioxidants sont importants. L’oxidation a lieu partout, dans nos cellules, dans nos artères, notre cerveau, nos organes…minute après minute, nous rouillons!
Cette vitamine est un antioxidant parmi tant d’autres, mais son rôle dans la guérison des tissus n’est plus à prouver. Pensons seulement à l’histoire du scorbut, duquel les colons ont pu récupérer grâce aux sources de vitamine C fournies par les amérindiens. Pensons également à son impact sur la régénération du collagène. La vitamine C que nous ne consommons pas ne peut donc pas vraiment être compensée par le fait de manger plus des autres antioxidants. C’est une vitamine essentielle et nous en gardons que de faibles réserves. L’apport doit donc être renouvelé jour après jour. Sans compter que c’est une vitamine plutôt instable à l’air et à la chaleur.
Carence
La carence en vitamine C n’est pas si rare. Premièrement, nous prenons pour acquis que le fait que l’industrie alimentaire ajoute de l’acide ascorbique remplace la vitamine C détruite par la chaleur de la transformation alimentaire, alors que celle-ci a une absorption médiocre.
D’autres facteurs prédisposent à une carence qu’on a tendance à sous-estimer : l’usage de nicotine (en cigarette traditionnelle ou électronique), la consommation d’alcool, ainsi que le fait de combattre une infection. Les personnes avec un taux élevé de cholestérol ont également plus de risque d’avoir des taux sanguins trop bas. Sans compter le fait que de plus en plus de gens ont recours au jeûne intermittent, ou à une diète cétogène qui réduit grandement les fruits, une importante source alimentaire. De plus, nous ne sommes pas tous égaux dans notre capacité à la métaboliser.
Les facteurs génétiques
L’impact du gène GSTT1 (qui code pour l’enzyme glutathione-S-transferase) est un facteur génétique important. Les porteurs de la mutation à risque, qui touchent une personne sur 5, ont des besoins en cette vitamine plus grands que les autres. Mais ce n’est pas tout. Les antioxidants ne sont pas notre seule façon de nous protéger de l’oxidation.
Nous produisons tous des antioxidants dans notre corps, de façon endogène. Mais la production d’antioxidants par notre corps est elle aussi génétiquement déterminée. Le gène qui code pour l’enzyme appelée la Superoxide Dismutase, ainsi que le gène qui code pour l’oxide nitrique, peuvent être déficient chez la même personne. Lorsque c’est le cas, certaines stratégies existent, telles la consommation d’aliments riches en sulforophane, une des meilleures façons d’activer les composés Nrf2 (nuclear factor erythroid-derived related factor 2), qui dans notre corps sont des puissants inhibiteurs d’inflammation et jouant un rôle dans la restauration de l’immunité.
Avoir plusieurs désavantages génétiques en même temps, c’est possible! Si c’est le cas, il est encore plus important de combler ses besoins, non pas par des suppléments d’acide ascorbique, mais par des sources alimentaires et une bonne consommation de d’autres anti-oxidants.

Comment savoir si on a une carence?
Tester son statut en vitamine C n’est pas quelque chose qui est fait de routine. Sans compter que ce qui sera mesuré dans votre sang, c’est le taux d’acide ascorbique, et non pas le taux de vitamine activement métabolisée…et si vos gènes sont peu efficace à faire cette conversion en vitamine C active, de tels tests ne vous éclaireront pas beaucoup, à moins d’avoir une carence vraiment sévère.
La meilleure approche est donc d’analyser votre alimentation et de calculer vos apports et au besoin faire plus attention, surtout si vous avez les gènes qui vous prédisposent à produire peu d’antioxidants par vous-même, ou à métaboliser la vitamine C plus lentement. Si vous avez d’autres facteurs de risques en plus comme une hypercholestérolémie, si vous fumez ou consommez de grandes quantités d’alcool, les légumes et les fruits devraient devenir vos amis! Mais attention à ne pas en faire d’excès, surtout si vous avez des prédispositions génétiques au diabète.
De combien ai-je besoin?
Un apport de 90 mg/jour pour les hommes et de 75mg/jour pour les femmes est suffisant. Pour les fumeurs, on suggère d’ajouter 35 mg/jour. Avec cet apport modéré, envrion 70-90% de cette vitamine est absorbée. Prendre des mégadoses de suppléments n’améliore pas le taux dans le sang puisqu’à des doses au-dessus de 1000mg par jour, l’absorption diminue à moins de 50%, laissant la charge aux reins d’excréter la vitamine non métabolisée.
Prendre de la vitamine C pour prévenir l’anémie?
Lorsqu’une personne est vraiment anémique, on lui conseille souvent de prendre de la vitamine C en même temps que les sources de fer non-hémiques (celles provenant surtout de sources végétales). Cette recommandation peut ne pas convenir à certains profils génétiques, et même être nuisible. Pour les personnes porteuses du gène qui prédispose à la surcharge en Fer, prendre trop de vitamine C peut amener les niveaux de fer sérique à des niveaux trop élevés.
Les suppléments à grandes doses font donc plus de tort que de bien. Sans compter que c’est de l’argent qui se retrouve à la toilette et que la quantité requise par jour peut facilement être atteinte, la vitamine C étant largement disponible dans notre alimentation, par exemple:
- La goyave : 240 mg
- Le cassis : 200 mg
- Le poivron rouge : 190 mg
- 1 tasse de fraises = 96 mg
- 1 tasse d’ananas = 92 mg
- 1 tasse de choux de Bruxelles 90 mg
- 1 tasse de jus d’orange fraîchement pressé 86 mg
- 1 tasse de brocoli = 82 mg
- 1 pamplemousse 78 mg
- 1 mangue 75 mg
- 1 kiwi 70 mg
- L’orange : 52 mg
Les signes et symptômes d’une carence
Au delà de 3 mois de carence, le scorbut apparaît. D’autres manifestations surviennent telles que l’asthénie (fatigue physique anormale), les douleurs musculaires, des douleurs articulaires, un syndrome hémorragique, et plus tardivement des manifestations telles que les saignements des gencives est la perte de dents.
A noter qu’avec une très faible consommation (2 à 5 mg/jour), des complications à long terme peuvent survenir telles que l’augmentation du risque cardiovasculaire et de cancer, et la cataracte. Le seuil sanguin qui permet de prévenir le glaucome et les cataractes est autour de 49 mmol/L.
Les signes et symptômes d’une surconsommation
Les apports maximaux tolérés sont les suivants :
- De 1 à 3 ans : 400 mg
- De 4 à 8 ans : 650 mg
- De 9 à 13 ans : 1 200 mg
- De 14 à 18 ans : 1 800 mg
- Plus de 18 ans : 2 000 mg
Ces doses sont faciles à excéder avec la prise de suppléments de vitamine C! De hautes doses de vitamine C peuvent occasionner des selles molles, des diarrhées et des troubles gastro-intestinaux. Dans ce cas là, il est nécessaire de réduire rapidement son apport en vitamine C et surtout de cesser les suppléments de vitamine C. Si vous êtes diabétique, vous êtes donc déjà à risque de telles complications, alors les suppléments de vitamine C ne sont peut-être pas pour vous. Sans compter que cela use inutilement votre portefeuille…
IMPORTANT: La consommation à long terme de suppléments de vitamine C est à éviter en cas :
- d’insuffisance rénale accompagnée d’un trouble du métabolisme de la vitamine C ou de l’acide oxalique ;
- d’hémochromatose (surcharge en Fer)
- de déficit en G6PD ; et
- de chirurgie intestinale.
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(1) Bélanger,M., LeBlanc, M-J., Dubost,M. (2015). La nutrition (4è édition). Quebec, Chenelière Éduction.