Alimentation et TDAH
Article par Marie-France Lalancette, nutritionniste
Les parents d’enfants vivant avec le TDAH doivent parfois choisir entre deux maux le moindre. Entre un enfant qui mange à sa faim et qui ne s’adapte pas à l’école, ou un enfant qui réussit mieux mais dont l’appétit baisse dangereusement, le choix n’est pas facile…
Parmi les médicaments qui sont prescrits pour aider à gérer le TDAH, il en existe qui sont des psychostimulants à base d’amphétamines, d’autres non. Les amphétamines sont une catégorie de substances qui agissent directement sur le métabolisme et c’est pourquoi les variations de l’appétit sont parfois associées à ce type de médicaments. Toutefois, il faut savoir que c’est surtout au cours des premiers mois de traitement que les effets sur l’appétit sont les plus intenses. Le corps semble prendre quelques mois à s’adapter, et c’est alors que ce type d’effet secondaire s’atténue.
Dans le bureau d’une nutritionniste, pédiatrique, la raison la plus fréquente pour laquelle les parents d’enfants avec TDAH consultent est pour voir si les besoins sont comblés malgré la perte d’appétit, et parfois parce que la croissance stagne et inquiète. Mais c’est parfois aussi parce qu’ils sont convaincus qu’il faut changer la médication, ou carrément la cesser, à cause des effets sur l’appétit et la croissance. C’est alors que la nutritionniste se retrouve entre l’écorce et l’arbre! Un médecin qui croit que l’enfant peut profiter d’une médication, et un parent qui n’en est pas convaincu!
Comme nutritionniste expérimentées auprès de cette clientèle, nous pouvons dans de telles situations regarder objectivement l’apport et la croissance et évaluer si des solutions alimentaires sont possibles pour pallier aux baisses d’appétit, car c’est souvent le cas! Lorsque la croissance est dangereusement compromise ou l’atteinte des besoins nutritionnels, nous pouvons effectivement suggérer des ajustements.
Des enfants neurologiquement et donc sensoriellement différents
Il faut admettre que l’enfant avec un TDAH ou un TDA, qu’il prenne des médicaments ou pas, a souvent une façon bien à lui de voir son assiette. Les troubles d’intégration sensorielle ne sont pas rares chez ces enfants. Ils sont donc déjà portés à bouder leur repas, ou du moins à être plus sélectifs que les autres enfants en général. Avant même de commencer une médication pour les aider à mieux relever les défis scolaires, ils font souvent déjà la vie dure à leurs parents! Avant même que le médecin se préoccupe d’un diagnostic, les parents sont souvent troublés par la façon de manger (ou plutôt de refuser de manger) de leur enfant, dès le plus jeune âge. Parfois c’est dès l’introduction des solides que cela semble difficile. Il y a donc beaucoup à faire en consultant une nutritionniste, et il vaut encore mieux consulter avant la prescription de médicaments. Il est plus facile de trouver des stratégies pour augmenter le répertoire d’un enfant quand son appétit n’est pas affecté par les effets secondaires. C’est la que le rôle de la nutritionniste prend tout son sens : la prévention!
L’impact des médicaments sur l’appétit : ne généralisons pas!
Ce ne sont pas tous les enfants TDAH pour qui les médicaments causent une baisse d’apport ou un ralentissement de la croissance. L’enfant TDAH, c’est-à-dire le vrai (et non pas l’enfant que les enseignants ont de la difficulté à endurer en classe mais celui qui est vraiment neurologiquement différent), sera plus apte à rester assis aux repas, cessera de bouger moins constamment et donc dépensera moins d’énergie, et ceci peut favoriser un bilan positif entre les apports et la dépense, donc favoriser sa croissance. Lorsque ces médicaments sont prescrits pour les bonnes raisons, ils représentent une planche de salut pour les familles. J’ai d’ailleurs souvent entendu des enfants vivant avec le TDAH témoigner à quel point ils trouvent la vie plus facile grâce à la médication, une fois bien ajustée. Le ralentissement de la croissance, s’il est impossible à compenser par des stratégies nutritionnelles, peut inciter à revoir la dose prescrite afin de ne pas compromettre l’atteinte des besoins nutritionnels. Médicamenter ou ne pas médicamenter demeure un choix personnel, une décision basée sur l’analyse des bénéfices et des avantages pour chacun. Trop souvent, l’opinion des gens face aux médicaments est sans nuances : c’est tout blanc ou tout noir, on est pour ou contre. Mais il est important de ne pas diaboliser les médicaments car sans eux, certains individus ne seraient pas capables de mener une vie épanouie. Travailler avec les familles demande une grande ouverture d’esprit et la dernière chose que les parents (et les enfants) ont besoin, c’est d’être jugés ou coupables de prendre des médicaments, ou de ne pas en prendre!
TDAH et glucides : attention aux fausses croyances!
Les enfants atteints de TDAH ont tendance à avoir une plus grande proportion de leurs calories attribuées aux glucides. C’est comme s’ils ressentaient un plus grand besoin de nourrir leur cerveau! Ils sont plus actifs, dépensent de l’énergie et l’énergie rapide des glucides leur procure probablement un plus grand réconfort qu’aux autres. Est-ce le sucre qui les rend hyperactifs? Malgré des centaines d’études à ce sujet, jamais une telle démonstration n’a pu être faite. Par contre, il existe beaucoup de préjugés envers les sucres qui poussent les parents à restreindre le sucre chez leur enfant, et c’est parfois au point qu’il finit par leur en manquer. Manquer de carburant peut créer tout un éventail de manifestations telles l’irritabilité, exacerber l’hyperactivité, mais aussi rendre l’enfant plutôt léthargique, ce qui peut être interprété comme un bienfait, puisque l’enfant est plus calme…Mais aussitôt qu’il a sa dose de glucides (même si c’est en quantité adéquate), son niveau d’énergie rebondit! C’est normal si auparavant il en manquait…Les parents ont alors tendance à croire que le sucre est la cause de l’hyperactivité, alors qu’au fond, leur enfant est simplement moins actif quand il manque de carburant, mais d’une façon que nous ne souhaitons pas, car elle n’est pas optimale pour son développement en général.
La mode est à réduire les glucides pour toutes sortes de raisons. Les préjugés envers le sucre, les enfants vivant avec le TDAH les ressentent plus que les autres : et ceci peut créer un effet pervers. Moins on leur en donne, plus ils en veulent! Et plus le corps manque de carburant, plus il a tendance à rechercher les sources de sucres concentrés pour se rattraper, comme carburer aux jus de fruits…De l’énergie rapidement accessible pour compenser les glucides qui ne sont pas offerts, pour bien faire. Un cercle vicieux s’enclenche. Ceci peut être prévenu en consultant une nutritionniste dès le diagnostic. D’ailleurs, les enfants avec TDAH ont plus de risques d’avoir un surplus de poids à l’âge adulte, mais aussi à souffrir de troubles alimentaires. C’est qu’ils apprennent rapidement, à force de nous entendre, que leur médication fait maigrir…et au moment ou ils souhaiterons modifier leur silhouette, ils s’en rappellerons et chercheront à augmenter la dose! Comme si au fond, le médicament prescrit devenait une arme de protection contre les kilos en trop. Malheureusement, la nature reprend le dessus et de telles stratégies ne sont pas permanentes, et les effets sur la santé de trop grandes doses de médicaments à base d’amphétamines sont sérieux.
La santé et le développement de l’enfant : voir plus loin que la courbe de croissance!
Ce n’est pas parce que la courbe de croissance est moche que l’enfant manque de vitamines, et une très belle courbe de croissance n’indique pas non plus que l’alimentation est de qualité et comble tous les besoins. De même, il n’y a pas que les calories ou le sucre qui compte pour un enfant, qu’il souffre de TDAH ou non.
Plusieurs modifications du menu peuvent améliorer le comportement et la performance scolaire. C’est le cas pour tous les enfants. Mais quand on est différent et qu’on a besoin de toute sa concentration pour réussir, l’alimentation devient encore plus importante. Un bon déjeuner, une bonne hydratation, un bon ratio omega-3/omega-6, des calories bien réparties… Tout ceci peut faire une réelle différence pour améliorer l’attention et le comportement. Une rencontre avec une nutritionniste pédiatrique est un investissement, pas une dépense car elle peut vous éviter bien des ennuis! La nutrition est l’un des facteurs le plus déterminant pour le développement d’un enfant, mais la désinformation en nutrition prend malheureusement trop souvent le dessus sur la vraie information, et fait des ravages… dont la prochaine génération ne devrait pas avoir à payer le prix!