Manger une figue…ou une guêpe?
Certaines personnes vegan évitent les figues. Mais pourquoi se priver d’un si bon fruit, direz-vous. La figue a quand même des qualités nutritives recherchées. C’est un fruit riche en fibres, donc avec une faible charge glycémique, mais un pouvoir antioxidant indéniable, au point qu’historiquement on utilisait la figue pour combattre les tumeurs. C’est une source de plusieurs minéraux essentiels comme le magnesium, manganese, copper, et le potassium. Elle contient également des vitamines, principalement une source de K et de B6.
Dans certaines cultures, les feuilles sont considérées aussi importantes que le fruit tant pour leur valeur culinaire que médicinale.
Pourquoi s’en priver?
Toute la crainte vient de l’écologie de cette plante et de sa merveilleuse relation mutualiste avec les gûepes (appelées blastophage), qui ne sont pas très grosses, qui servent de pollinisateurs à cette plante. Oui effectivement, la figue est nécessairement entrée en contact avec la figue puisque c’est grâce à elle que cette fleur ‘inversée’ peut devenir un fruit savoureux. Les fleurs vont éclore à l’intérieur du réceptacle en forme de poire qui donnera le fruit que nous mangeons. Une fleur de figuier ne produit qu’un fruit contenant une seule graine et une coquille rigide, l’akène, et il y a plusieurs akènes dans chaque figue. Quand nous mangeons une figue, nous croquons dans de petites graines qui sont en fait plein de petits fruits (et non pas des carcasses de guêpe!)
Mais il y a plus! La guêpe femelle doit effectivement sacrifier sa vie et rester ‘coincée’ dans le fruit pour que la figue se développe, mais également pour que son espèce survive. Car avec ce fruit, il y a deux types de figues, qui pousse sur deux arbres différents. L’une qui sert d’habitat, appelées figues pouponnières (ou les capri-figues), et celles-ci sont non-comestibles. C’est littéralement la maison de la guêpe…Vous ne voulez pas goûter à une maison de guêpe, même si elle est déguisée en fruit n’est-ce pas? L’autre forme de figue sert de pépinière. C’est elle que nous mangeons, celle qui est pollinisée par la guêpe minuscule, en entrant littéralement dedans pour y déposer le pollen, mais sans être capable d’en sortir. Beurk! A lire ces informations, il est normal que votre sentiment soit actuellement ambigu ou c’est le moins qu’on puisse dire, mi-figue, mi-raisin!
Tout est dans l’enzyme
La nature termine toujours son travail. Bien sûr qu’une guêpe n’aurait pas si bon goût qu’une figue, et que nous n’apprécierions pas autant ce fruit si le processus en restait là. Mais la biochimie vient à notre rescousse encore une fois. La ficine, cette enzyme très utile, même au point qu’on l’utilise pour fabriquer du latex à partir du figuier, est en fait la résine de la plante. L’effet sur le diabète et le cancer est une avenue pour laquelle la ficine est d’ailleurs sujet à de nombreuses études.
Que fait la ficine? Comme toute enzyme, elle dégrade. Elle dégrade la guêpe. Ce qui fait qu’au bout du compte, la guêpe n’est plus une guêpe, mais bien un fruit. Un fruit juteux, savoureux qui est ce qu’il est à cause qu’une guêpe lui a donné naissance. Cette relation mutualiste est quand même tout un miracle de la nature, avouons-le!
Je n’aime pas les insectes. Ils me dégoûtent et ce dégoût est ce qui m’a fait dévier de ma profession de biologiste. Je ne me voyais pas disséquer des sauterelles pour en extraire les parasites toute ma vie! Mais en savoir plus sur la figue, pour ma part, me donne encore plus le goût de manger des figues car depuis que je sais cela, elles me fascinent encore plus! J’en rafolais déjà. pour moi, une figue a la même valeur hédonique qu’un gâteau…Mais maintenant, à chaque fois que j’en mange, je pense à cette création de la nature tout à fait exceptionnelle, et tout ce qui nous relie aux insectes comme espèce, et à quel point on leur doit énormément.
Faites l’expérience: Essayez de détecter un goût de guêpe dans une figue. Vous n’en trouverez pas. Seulement de délicieuses petites graines qui ne sont que des graines du fruit pour sa dissémination, pas des carcasses de guêpe. Et si vous voulez, disséquez votre figue. Vous n’y trouverez pas de cadavre je peux vous le garantir! Parce que la ficine est si efficace qu’elle a transformé la guêpe dans ses composants de base, des glucides, des lipides, et des protéines.
D’ailleurs, les insectes et les fruits, c’est une relation d’amour pas seulement pour les figues, et donc des traces d’insectes, nous en mangeons régulièrement sans que cela ne pose aucun risque. Tous les fleurs sont pollinisées, et la plupart du temps par des insectes pollinisateurs, avant de devenir des fruits.
Comment choisir et conserver la figue
Pour bien comprendre comment choisir conserver un fruit, il faut identifier s’il s’agit d’un fruit climactérique ou non-climactérique. Ce sont deux processus de maturation complètement différents. La figue est non-climactérique, ce qui signifie que si on vous vend des figues pas encore mûres, on vous arnaque! Après la récolte, un fruit non-climactérique ne murit plus. (Le fruit climactérique mûrira grâce à une enzyme, encore une fois, sécrétée par le fruit, qui le fait poursuivre son murissement. C’est prévu comme cela, il a besoin de tomber de l’arbre pour mûrir. (Lire l’article pour en savoir plus sur la maturation des fruits)
Une bonne figue est ferme, mais pas trop. Si elle n’est pas mûre à point, elle ne le deviendra jamais. Elle pourrira avec le temps, mais ne se bonifiera pas, comme c’est le cas par exemple des bananes, qu’on peut cueillir vertes en Afrique et faire mûrir par bateau.
On ne peut donc pas conserver une figue très longtemps sans la transformer. Au frigo, elle absorbera les odeurs si vous ne la protégez pas, par exemple, un torchon propre, ou une enveloppe de cire d’abeille (encore les insectes!). Elle perdra aussi beaucoup de saveur avec le froid. Le mieux est donc de la manger le plus tôt possible.
Nul besoin d’éplucher la figue. On la coupe habituellement en 4 pour la farcir, la faire revenir, ou l’aromatiser dans un sirop. Mais elle fait également d’excellents confits, des compotes, des confitures, des tartinades…
Si vous êtes vegan et craignez de manger de la guêpe, vous vous privez à tort. il n’y en a plus. Les enzymes transforment beaucoup de choses dans notre alimentation, et les bactéries sont des créatures vivantes qui transforment nos produits laitiers par exemple, les levures font la bière…Il y a multitude d’exemples d’aliments qui proviennent de la dégradation de quelque chose de ‘dégueulasse’ en quelque chose de merveilleux.
Et un mariage de saveur vraiment chouette pour commencer à apprécier la figue, c’est avec la framboise! Vous pourrez donc savourer ce smoothie vraiment nourrissant qui vous fera oublier les histoires de guêpe!
Smoothies aux figues et aux framboises
2 smoothies – PRÉPARATION : 5 minutes
4 figues, lavées, asséchées, équeutées et coupées en quatre
1 tasse (250ml) framboises congelées
1 c. à soupe de miel
500 ml (2 tasses) de boisson de soya ou d’amande enrichie nature
ou à la vanille
Au mélangeur, mixer le tout jusqu’à consistance homogène.