Insécurité alimentaire et jeunes de la rue
Selon le »Plan décennal de l’alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance, un plan un rêve »(1) les plans communautaires réussis sont ceux qui incluent les principaux acteurs dans le système local d’aide. Les jeunes de la rue ne sont pas consultés souvent…ils sont même si invisibles qu’on ne connaît pas vraiment l’ampleur de la situation.
Peut-on faire plus que remplir le ventre?
Pour avoir un impact sur l’état nutritionnel , une intervention doit répondre aux besoins nutritionnels spécifiques de l’individu. Hors, il y a toute une foule de ressources venant en aide aux personnes itinérantes, et elles permettent d’accomplir le résultat suivant, qui est de remplir le ventre. Pour la majorité des itinérants, le besoin énergétique de base est comblé, et nous avons la chance de bénéficier d’un grand réseau de banques alimentaires. C’est déjà beaucoup. Mais la santé va au-delà de l’apport en calories. De plus, il y a un isolement de certains groupes de personnes, dont les jeunes, pour lesquels les services de soutien alimentaire répondent moins bien. D’ailleurs, les jeunes de la rue fréquentent peu ces ressources. Ils préfèrent errer d’un copain à l’autre, même quand l’ami n’est pas la meilleure influence.
Cesser de »pelleter le problème en avant
Pour vaincre l’itinérance, on doit agir en aval et en amont : non seulement il faut limiter les dégâts et faire ‘sortir’ l’itinérant de la rue mais il faut aussi en fermer la porte d’entrée, et ce le plus précocément possible. La détection et la prise en charge précoce des individus les plus à risque peut faire toute la différence. Il faut agir autant en prévention qu’en contexte curatif. L’incapacité de s’alimenter est souvent un des premiers déclencheurs de comportements malsains chez les jeunes en difficulté, comme l’abus d’alcool ou de drogues, mais aussi un facteur de criminalisation. Ultimement, on finit par voler pour remplir son ventre. Ou devenir la proie de mauvaises fréquentations.
Quand l’alcool devient la seule source de calories accessible…
La dépendance à l’alcool est facteur important sur la route de l’itinérance chez les jeunes de la rue. D’où l’importance de trouver des solutions pour les jeunes de moins de 25 ans en priorité. L’alcool fournit des calories et réchauffe. Son usage s’installe de façon pernicieuse parce qu’elle devient nécessaire à la survie de l’itinérant. La compensation par l’alcool, à ses débuts, est-elle une cause ou une conséquence du manque de calories? Le programme HOPE, une initiative de Nutrition sans Frontières, permet d’y voir plus clair. C’est une recherche-action qui implique personnellement les jeunes dans la recherche de leur autonomie alimentaire, tout en développant des compétences, mais également leurs rêves et leurs passions.
Les carences nutritionnelles reliées à l’itinérance
De plus, les carences nutritionnelles sont beaucoup plus déterminantes qu’on le croit dans l’installation de problèmes de santé mentale qui sont un des facteurs menant au rejet de l’individu par sa famille ou sa communauté ou son milieu de travail. Selon un rapport des diététistes du Canada (2), des initiatives de dépistage nutritionnel devraient être mises en oeuvre dans les programmes communautaires et les services visant les personnes souffrant de troubles de santé mentale (incluant les itinérants). À cet égard, une analyse combinant une approche épidémiologique et interventionnelle contribuerait à définir des mesures alimentaires qui peuvent prévenir la déroute vers l’itinérance chez ce groupe de personnes à risque que constituent les individus aux prises avec des problèmes de santé mentale.
Insécurité alimentaire et dépression
Une étude récente dans le journal The Lancet Psychiatry (3) a fait ressortir un lien important entre une carence de certains nutriments spécifiques et la présence de maladies, notamment la dépression. Ils constatent que les omégas 3, les vitamines B (notamment les folates et la B12), la choline, le fer, le zinc, le magnésium, la vitamine D et plusieurs acides aminés comme la cystéine sont essentiels à la santé mentale. Il n’est pas surprenant de constater que ces nutriments sont ceux qui sont plus difficiles à combler dans la population itinérante. En particulier, les carences en B12 sont les plus ravageuses car elles créent des dépressions sévères typiques qui mimiquent la démence et favorisent des tendances suicidaires importantes et des comportements agressifs.
Le projet HOPE: un espoir pour les jeunes à risque d’itinérance
Ce n’est qu’un exemple de ce qui peut être prévenu grâce à l’intervention du projet HOPE car outre les impacts sur la santé mentale due à la B12 qui est totalement et rapidement réversible, il y a tellement de conséquences à la malnutrition qu’il est impossible de toutes les nommer. Pour certains nutriments clés, les séquelles ne sont pas que temporaires, mais permanentes, comme par exemple l’effet d’un statut nutritionnel médiocre sur la fertilité future ou l’issue de la grossesse (prématurité ou risques de certaines maladies comme l’autisme, diabète gestationnel etc). Les jeunes femmes itinérantes qui tombent enceinte sont d’ailleurs peu susceptibles d’être réchappées au bon moment par des programmes tels qu’OLO, car pour avoir connaissance de ces services, il faut avant tout être en contact avec un médecin, ce que l’itinérance rend moins probable.
Avant tout, le projet HOPE sert à redonner l’espoir aux jeunes de la rue et à les remettre en route vers l’autosuffisance. C’est par le biais d’activités de cuisine collective que les jeunes adultes en situation de précarité apprennent des compétences utiles à leur autonomie, tout en s’engageant socialement pour devenir des citoyens engagés dans leur communauté, pour redonner au suivant!
En savoir plus sur le projet HOPE de Nutrition sans Frontières
Références :
(1)http://fr.caeh.ca/wp-content/uploads/2012/04/A-Plan-Not-a-Dream_Fr1.pdf
(2)Davison KM, Ng E, Chandrasekera U, Seely C, Cairns J, Mailhot-Hall L, Sengmueller E, Jaques M, Palmer J et Grant-Moore J pour Les diététistes du Canada. Promouvoir la santé mentale par la saine alimentation et les soins en nutrition : sommaire. Toronto : Les diététistes du Canada, 2012. Disponible au :www.dietitians.ca/mentalhealth.
(3)Sarris J, Logan AC, Akbaraly TN, Amminger GP, Balanzá-Martínez V, et al. The International Society for Nutritional Psychiatry Research. Nutritional medicine as mainstream in psychiatry. Lancet Psychiatry 2015; 2: 271–74. http://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366(14)00051-0/abstract http://dx.doi.org/10.1016/S2215-0366(14)00051-0